Synthèse des définitions proposées par IRIA sur l'autoguérison
Définition de la guérison (Laurence & Malpel, 2023)
La guérison désigne, dans le cadre d’une expérience singulière de maladie, à la fois, un état recherché, observé, un vécu, un processus dynamique plus ou moins long ayant pour objectif de stimuler des capacités de régénération et de récupération du corps et/ou de l’esprit, et ses conséquences physique, mentale, psychique et sociale. Elle se situe sur un continuum qui va de la maladie au décès, en passant par des états intermédiaires liés à l’évolution de la maladie et de sa prise en charge, aux séquelles, à la stabilisation sur un nouveau niveau de santé ou au retour au niveau de santé initial.
Définition de l'autoguérison (Laurence & Malpel, 2023)
La notion d’autoguérison peut être considérée, pour commencer avec une simplification, comme la capacité du corps à guérir tout seul. Chacun a pu expérimenter que, dans certaines situations, l’organisme est bien capable de guérir tout seul, il peut par exemple éliminer des agents infectieux, grâce surtout au système immunitaire. Il peut naturellement guérir de blessures, notamment grâce au processus de cicatrisation. L’inflammation, la fièvre, la régulation du métabolisme et la sécrétion de substances anti-douleur sont d’autres exemples de processus naturels de guérison spontanée.
Ces processus biologiques, qui interviennent spontanément et inconsciemment lorsque nous sommes affectés par un trouble, et qui sont certainement la composante physiologique de l’autoguérison, peuvent agir en complément d’une action médicale ou paramédicale. Le traitement de soin agit alors souvent de façon à aider l’organisme à guérir. Si l’on pense par exemple aux interventions qui font suite à la fracture d’un membre, elles consistent souvent à repositionner dans l’axe du membre les os fracturés et à les immobiliser au moyen d’un plâtre. Mais c’est bien l’organisme lui-même qui va déclencher la cicatrisation et la régénération de l’os et des autres tissus pour permettre la réparation. De la même façon, certains traitements paramédicaux, à base de plantes, et même certains traitements médicaux, comme l’immunothérapie anticancéreuse, ont pour objectif d’améliorer l’efficacité du système immunitaire. L’action médicale ou paramédicale peut donc consister, au moins dans certains cas, à favoriser les processus d’autoguérison.
“Autoguérison : Ensemble des processus psychophysiologiques qui permettent de mettre l’organisme dans une disposition favorable à la guérison, de tendre vers un soulagement d’un symptôme, une amélioration de l’état de santé, un état de guérison partielle ou complète, et de prévenir la survenue de nouvelles pathologies. Ces processus peuvent être mobilisés par l’individu seul ou grâce à l’intervention d’un tiers, le plus souvent de façon inconsciente, mais également dans certains cas de façon consciente. Différentes études scientifiques suggèrent l’importance des relations entre, d’une part, le système nerveux central et le système nerveux autonome et, d’autre part, le système immunitaire et d’autres processus physiologiques, dans les mécanismes de l’autoguérison.”
Ainsi la guérison et l’autoguérison ne seraient pas si différentes : en effet la guérison et l’autoguérison seraient en fait strictement équivalentes lorsque le patient ne bénéficie d’aucun traitement curatif qui possède une efficacité propre. En clair, si le patient guérit alors qu’il n’a bénéficié d’aucun traitement, on peut dire qu’il a autoguéri. S’il a suivi un traitement dont on sait par ailleurs que celui-ci n’a pas d’action propre, c’est également une autoguérison. Si par contre, le patient a bénéficié d’un traitement efficace contre sa maladie, l’autoguérison devient une composante de la guérison. Dans ce dernier cas, la guérison est due au traitement en lui-même, mais également aux mécanismes de l’autoguérison, qui sont toujours en action, voire à l’action conjuguée des deux facteurs. Nul besoin que le patient soit conscient des mécanismes d’autoguérison pour qu’ils soient à l'œuvre, bien que par son attitude, son mode de vie et certaines pratiques de santé, il puisse favoriser ces mécanismes. Cette proximité de sens entre guérison et autoguérison est bien illustrée par la figure 1.
Figure 1 : Carte conceptuelle qui permet de visualiser les multiples interactions entre santé, maladie et guérison/autoguérison.

Définition d'un facteur d'autoguérison (Di Scala, 2023)
Les facteurs d’autoguérison correspondent à toutes formes d’objets* et/ou de situations* conduisant à la régulation homéostatique* de l’organisme, dans le cadre d’une balance bénéfice-risque, présentant des symptômes, ou maladies sans symptômes, conséquents à un déséquilibre. Ces objets et/ou situations pourront possiblement être associés à des émotions primaires, sociales ou d’arrière-plan agréables (ex. : la joie, le bonheur, l’amour, la reconnaissance, la bienveillance, le bien-être ou encore le calme) qui pourront générer des sentiments en concordance (composante affective de ces émotions) ayant un impact sur l’esprit de façon consciente ou inconsciente ; couplées ou non à l’attente favorable du bien-être produit. Ils déclencheront une activité physiologique conduisant à un impact bénéfique sur le corps, pouvant mobiliser d’après nos connaissances actuelles, l’activation du système de récompense et possiblement du système opioïde, via l’hypothalamus et le système nerveux autonome. Cet impact bénéfique sera défini par une récupération ou une amélioration de l’état de santé.
*objets : objets concrets (assimilés à un placebo, par exemple), objets abstraits (musique, art, etc.), individus.
*situations : situation active ou passive dans le cadre d’interventions, de relation soignant-soigné, d’activités physiques et sportives, etc.
*homéostatique : l’homéostasie est le processus de régulation par lequel l’organisme maintient les différentes constantes du milieu intérieur autour d’une valeur bénéfique pour le système considéré.
Figure 1 : Schéma explicatif proposant les définitions d’un facteur d’autoguérison/facteur d’auto-prévention/facteur néfaste/facteur de risques

Définition d'un facteur de bien-être (Di Scala & Gueyffier, 2025)
Cette analyse nous conduit à proposer la distinction entre un facteur de bien-être, pouvant améliorer la perception émotionnelle positive de l’individu, d’un facteur d’autoguérison. L’amélioration de la perception émotionnelle positive, conséquente à un facteur de bien-être, semble être un paramètre nécessaire, mais non suffisant pour déclencher un mécanisme d’autoguérison. Nous pouvons donc proposer qu’un facteur de bien-être participe à la mise en place d’un environnement émotionnel favorable, nécessaire à l’autoguérison.
Nous pourrions nous demander si un facteur de bien-être ne pourrait pas avoir une influence sur l’évolution de la maladie sur du long terme, par exemple, pouvant ainsi conduire à une autoguérison de symptômes sur des temps différés et/ou peut-être non mesurables dans la méthodologie employée. Ce qui pourrait nous questionner plus largement sur le statut d’un facteur de bien-être : un facteur de bien-être est-il, ou peut-il être ou devenir un facteur d’autoguérison ? Pourrait-on alors plutôt parler de co-facteur, ou de facteur d’autoguérison indirect ?
Analyse conceptuelle de la notion de placebo, d’effet placebo, d’effet spécifique et de thérapeutique (Boussageon, Gueyffier, Moreau, Serrau & Ferchakhi, 2023)
Les concepts de thérapeutique, de placebo, d’effet placebo sont polysémiques et source de confusion. Nous proposons un éclairage et tentons de définir au mieux ces concepts. Cela fait apparaître le rôle crucial de l’évaluation de l’effet causal des traitements par l’essai clinique randomisé contre placebo en triple insu (contrôlant le risque de faux positif), qui est la seule étude permettant de s’assurer de la causalité et de la spécificité, et ainsi de définir ce qu’est une thérapeutique. Au final, que ce soit avec un véritable médicament (démontré efficace) ou avec un placebo, c’est bien l’organisme/la personne (vivante) qui réagit à sa prise. Dans le cas du médicament, cette réaction est à la fois liée à la molécule pharmacologique et au « signal » que constitue cette prise de médicament ; signal qui n’a de sens pour la personne et l’organisme que dans un contexte culturel donné. Cette clarification permet de réintégrer dans la médecine soignante les traitements et les facteurs de guérison qui sont habituellement mal pris en compte, car ils ne seraient efficaces que par leur « effet placebo ». D’un point de vue pragmatique, ces thérapeutiques ou facteurs d’autoguérison sont utiles au soin, même si leur efficacité est liée à un effet placebo optimisé. Il s’agit donc de les étudier pour eux-mêmes.
La définition de ce qu’est une thérapeutique permet de faire un tri parmi tous les facteurs qui prétendent à une efficacité, et en particulier les facteurs d’autoguérison et l’effet placebo. Un placebo peut ne pas avoir d’effet. Il convient donc de bien connaître les situations dans lesquelles il a été démontré qu’un facteur (placebo ou non) peut avoir une influence positive sur la santé.
Un travail d’enquête auprès d’un panel de 29 experts avec un questionnaire issu d’une revue de littérature sur les données empiriques de l’effet placebo / nocebo a permis d’obtenir un consensus d’expert et des recommandations sur le sujet :
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Considérer l’effet placebo comme un traitement à part entière en l’optimisant pour améliorer les résultats cliniques et en informant de son intérêt auprès du patient ;
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Tenir compte de l’histoire et du vécu de la maladie, son contexte de sévérité, de la dimension éthique, culturelle et génétique de la personne ;
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Prévenir l’effet nocebo en informant de son existence pour minimiser ses effets. La manière d’aborder les risques et effets indésirables compte, en rassurant sur leur impact et évitant une attitude dramatisante des effets négatifs;
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Tenir compte des besoins d’information du patient et rentrer dans un processus délibératif de décision médicale partagée (DMP), de consentement éclairé et d’éducation thérapeutique.
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Développer une relation thérapeutique empathique, chaleureuse, qui donne confiance tout en évitant de tomber dans des excès de réassurances prématurés ou irréalistes ;
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Développer des études sur la façon d’optimiser l’effet placebo et de minimiser l’effet nocebo.
Autoguérison et relation thérapeutique d’approche centrée patient (Moreau, Di Scala & Boussageon, 2025)
Une synthèse de la littérature a montré que la relation thérapeutique positive, est un facteur favorisant l’autoguérison dans la mesure où elle mobilise les attentes, l’espoir, des sentiments-émotions et des représentations positives. Tout ceci va agir sur le système nerveux autonome (SNA) et neuroendocrinien et ainsi favoriser l’homéostasie (cf. définition facteur d’autoguérison ci-dessus). Nous retrouvons dans la relation soignant-soigné positive, une situation d’interaction qui est associée à des émotions et sentiments produits par le patient, de façon consciente ou non. L’attente et l’espoir d’un bien-être ou d’une perspective de mieux être dans le cadre d’échanges entre soignant et soigné, y participent également. Les données expérimentales de la littérature recensées montrent l’amélioration de l’état de santé dans le cadre d’une relation soignant-soigné bénéfique pour le patient. Les représentations du patient interviennent aussi dans la mise en place de cette amélioration de la santé. Ce paramètre rejoint également la définition portant sur les facteurs d’autoguérison. En effet, si la part psychologique a une importance capitale dans l’appréciation émotionnelle d’une situation, les représentations sociales y participent également au travers des convictions, croyances, valeurs qu’elles véhiculent, associées aux pratiques sociales et culturelles de la personne. Il est habituel de penser que l’effet placebo non spécifique et l’effet spécifique d’un dispositif thérapeutique s’additionnent selon un modèle additif. Cette interaction relationnelle patient-professionnel que l’on retrouve dans l’autoguérison laisse à penser que les deux effets sont en interaction.
Nous avons vu que cette méthode clinique a pour objectif de favoriser la rencontre collaborative entre deux domaines d’expertise, celle expérientielle du patient avec celle biomédicale du professionnel de santé dans une approche globale biopsychosociale en vue de trouver un terrain commun pour résoudre la situation-problème-maladie-santé dans le cadre d’une relation et alliance thérapeutique. Chacun des protagonistes a sa perspective. La perspective VRAIE du patient recouvre son expérience Vécue de sa situation-problème -maladie-santé qu’il est le seul à connaître, à ressentir émotionnellement et qu’il est important d’écouter de manière active. Il va pouvoir aborder ses Représentations, opinions, idées, croyances sur cette situation-problème-maladie-santé et ses Attentes, espérances, besoins, demandes. Il va pouvoir nous raconter ce qui est Important pour lui, ses valeurs de vie, le sens qu’il accorde à cette situation-problème-maladie-santé. A travers sa narration, il va parler de son Etat d’esprit qui nous donne une idée de sa personnalité. Ceci permet d’adapter les facteurs contextuels de la relation d’aide, de soutien et l’alliance thérapeutique indispensable. De son côté, la perspective du médecin recouvre l’exercice de sa compétence médicale par son raisonnement clinique, sa connaissance des traitements spécifiques validés si possible par les données actuelles de la science, sa connaissance de la perspective VRAIE du patient dans une approche biopsychosociale qui tient compte du contexte de soin. Une communication empathique d’écoute active avec renforcement positif et réassurance va alimenter la confiance nécessaire à l’alliance thérapeutique, condition d’une relation thérapeutique adaptée. La réflexivité et la connaissance de soi du professionnel (« Self Awareness ») favorise la gestion de son contre transfert suscitée par sa relation thérapeutique avec le patient et par contre coup l’alliance thérapeutique. Elle permet d’être réaliste sur ses limites et la gestion de son temps. L’objectif du professionnel est d’établir une relation coopérative, délibérative pour trouver un terrain commun sur la compréhension de la situation-problème- maladie-santé et la recherche de solution en vue d’un processus de décision partagée (PDP). Cette démarche clinique favorise la réalisation de soi, l’habilitation à agir et l’autonomisation du patient. Elle permet d’influencer des changements de comportement par des suggestions favorables à l’autoguérison dans un cadre éthique. Elle maximise l’effet placebo non spécifique en les associant aux effets spécifiques des thérapeutiques validées par l’EBM (figure 2).

Niveau de preuve pour accompagner la réflexion sur les mécanismes d’autoguérison (Gueyffier & Boussageon, 2023)
Nous proposons une nouvelle échelle de niveau de preuve pour l’évaluation des thérapeutiques, médicamenteuses et non médicamenteuses, ainsi qu’une démarche d’individualisation des résultats des essais thérapeutiques et un cadre pour l’évaluation des facteurs d’autoguérison. Les deux principales innovations de l’échelle de niveau de preuve concernent d’une part la situation de l’outil méta-analyse, qui ne modifie pas le niveau de preuve en n’apportant pas de démonstration d’effet per se, mais constitue une démarche parallèle de synthèse. D’autre part, nous considérons spécifiquement les essais conduits en double insu, qui seuls permettent de dissocier l’effet de la thérapeutique de l’impact des biais et de l’effet placebo. Nous recommandons la plus grande transparence lorsqu’un effet thérapeutique est suggéré par des essais en ouvert, afin que le thérapeute ne délivre pas une information tronquée, mais précise clairement que l’effet démontré inclut l’effet placebo et l’impact potentiel d’autres biais, ceux-ci pouvant y prendre une part prépondérante. L’efficacité des thérapeutiques placebo, administrées en ouvert, devrait permettre au thérapeute de révéler les limites de cette évaluation en ouvert sans crainte de perte en efficacité.
L’évaluation des mécanismes à l’œuvre dans les processus d’autoguérison devra faire appel à des plans expérimentaux spécifiques et précis, afin de permettre aux thérapeutes et aux patients de recourir à la panoplie la plus complète des outils d’amélioration de la santé.

Plan de travail pour cette nouvelle échelle de niveau de preuve
Cette proposition, issue de réflexions sur l’autoguérison, est un point de départ. Sa prise en compte et son déploiement nécessitera son analyse et sa validation par un groupe dédié, réunissant des expertises et des points de vue multiples (méthodologistes de la recherche clinique sur le médicament ou les interventions non médicamenteuses, sociologues, association de patients, philosophes, épistémologues, spécialistes de la décision, régulateurs, etc.). Cette nouvelle échelle a été conçue pour accompagner la réflexion sur les mécanismes d’autoguérison, guider la mise en œuvre d’expériences qui pourront identifier les mécanismes à l’œuvre, mais aussi tester des interventions ciblant ces mécanismes.
Références citées (voir l'onglet publications) :
Laurence D. & Malpel S. (2023) Définir la guérison et l’autoguérison, HEGEL, (4), 311-324.
Di Scala E. (2023) Proposition de définition d’un facteur d’autoguérison, HEGEL, (4), 335-346.
Di Scala E. & Gueyffier F. (2025) Les représentations émotionnelles de patients atteints de cancer : l’influence de vêtements adaptés lors des soins de chimiothérapie, Santé Publique, (1), 37, 197-207.
Boussageon R., Gueyffier F., Moreau A., Serrau V. & Ferchakhi W. (2023) Qu’est-ce qu’une thérapeutique – Analyse conceptuelle de la notion de placebo, d’effet placebo, d’effet spécifique et de thérapeutique, HEGEL, (4), 325-334.
Gueyffier F. & Boussageon R. (2023) Fondamentaux de l’évaluation des thérapeutiques, médicamenteuses et non médicamenteuses – un cadre pour l’évaluation des processus d’autoguérison, HEGEL, (4), 347-358.
Moreau A., Di Scala E. & Boussageon R. (2025) Autoguérison et relation thérapeutique d’approche centrée patient, HGEL, (1), 1-10.